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Actionnaires, dirigeants, salariés : l’écart “abyssal” des rémunérations dans le CAC40

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Carlos Tavares PDG Stellantis 2023 Stellantis

Publié le 28 avril 2023

GOUVERNANCE D’ENTREPRISE

Une étude d’Oxfam sur les inégalités salariales montre que le partage de la valeur semble grippé dans les 100 plus grandes entreprises cotées. La part consacrée aux salaires a baissé depuis dix ans au profit des actionnaires et les écarts de rémunération entre les dirigeants et les employés sont toujours plus grands. Il y a dix ans les dirigeants gagnaient 65 fois plus que le salaire moyen dans leur entreprise. Aujourd’hui c’est 97 fois plus.

Pour mobiliser sur les inégalités de richesse au sein des entreprises, l’ONG Oxfam a lancé une campagne qui propose de “comparer son salaire à celui d’un PDG d’une grande entreprises française”. En publiant une étude fouillée et chiffrée sur les écarts de salaires entre dirigeants et employés mais aussi les écarts de rémunération entre les actionnaires et les salariés, Oxfam veut montrer que “le partage de la valeur se fait au profit des PDG et des actionnaires, laissant les salarié·e·s au dernier plan”.

L’analyse réalisée par Oxfam et par le Basic (Bureau d’analyse sociétale d’intérêt collectif)  sur les 100 plus grandes entreprises cotées françaises, dont celles du CAC40, montre que les écarts de rémunération entre les dirigeants et les employés ont fortement progressé ces  dix dernières années. Pour le seul CAC40, les dirigeants ont gagné 163 fois le salaire moyen pratiqué dans leur entreprise en 2021, alors qu’ils ne gagnaient “que” 93 fois le salaire moyen dix ans plus tôt. Le creusement de cet écart est moins marqué dans le reste des entreprises mais reste élevé, le multiple étant passé de 64 en 2011 à 97 en 2021.

La répartition de la valeur a ainsi beaucoup changé dans les grands groupes. La part consacrée aux salaires des employés a chuté de près de 10 points en dix ans. Elle est passée de 58% en 2011 à 48% dans le CAC40, et de 61% à 51% dans les 100 plus grandes entreprises. Elle est au contraire demeurée stable pour le reste des entreprises françaises, qui versent 63% de leurs valeurs aux salariés. Mais le problème mis en exergue par Oxfam c’est la pente toujours ascendante des rémunérations des dirigeants. Ils ont bénéficié de belles augmentations en dix ans, malgré le petit coup de frein en 2019-2020 lors de la pandémie où ils avaient été incités à la modération. Au total, leurs rémunérations ont augmenté de 66% entre 2011 et 2021, et de 90% au sein du CAC40. Dans la même période, les salariés n’ont été augmentés que de 21% (23% dans le CAC40).

Rendre les dirigeants plus responsables

“Pire” objecte Philippe Sebag, président de Préfon, la retraite complémentaire de la fonction publique aux 400 000 bénéficiaires, “alors que dans la majorité des pays de l’OCDE, le revenu réel des ménages est en baisse alors que les dividendes et les rémunérations des dirigeants sont en nette hausse.” Il présentait avec Michèle Nathan, vice-présidente de Préfon jeudi 27 avril à Paris leurs recommandations pour les assemblées générales des grands groupes cotés. Elles visent à défendre le point de vue des salariés à travers les syndicalistes actionnaires qui les représentent pour que dividendes et rémunérations des dirigeants deviennent plus “responsables” et que “l’égalité et la représentativité du travail s’améliorent”. 

Ces recommandations tout comme celles d’Oxfam s’intègrent à un débat plus large sur la nécessité de donner une limite aux dirigeants des très grandes entreprises cotées quant à leur rémunération. Pour Oxfam il faudrait imposer un écart de 1 à 20 entre le salaire moyen de l’entreprise et celui de son ou sa dirigeant(e). La Préfon est moins radicale. Ils appellent à voter contre les plans de rémunération des dirigeants s’ils dépassent de 150 % le revenu moyen du secteur ou sont supérieurs à 100 fois le salaire moyen des salariés du principal pays d’activité. 

Daniel Julien et Carlos Tavares en tête

Quel que soit le barème choisi, il est clair que les dirigeants du CAC 40 sont largement au-dessus et même de très loin pour les trois dirigeants d’entreprises françaises qui ont les plus grands écarts de rémunération. En tête Daniel Julien qui gagne 1484 fois le salaire moyen dans son entreprise Teleperfomance, géant mondial des centres d’appels. Pourtant son cours de bourse a perdu autour de la moitié de sa valeur sur un an. L’entreprise a affronté une grosse crise en novembre accusée de maltraiter ses salariés colombiens, modérateurs de TikTok, 10 % de ses effectifs. 

En seconde position on trouve Carlos Tavares à la tête de Stellantis dont le siège est à Amsterdam. Il gagne 1139 fois le salaire moyen du groupe automobile qui rassemble les marques Peugeot, Citroën, Opel, Fiat, Chrysler, etc.) Son “package” qui avoisinait les 66 millions d’euros en 2021, comprend un salaire fixe de près de 2 millions d’euros, une part variable annuelle de 7,5 millions, une part variable sur plusieurs années de 25 millions d’euros et une rémunération en actions de l’entreprise valorisée à plus de 32 millions d’euros.

Ce niveau de rémunération, jamais atteint par un PDG du CAC40, avait suscité une levée de bouclier de la part des organisations syndicales de l’entreprise, alors que la fusion entre les groupes PSA et Fiat-Chrysler entraînait des suppressions de postes en France. L’année dernière les actionnaires avaient partagé leur vision et voté à 52 % contre la rémunération de Carlos Tavares lors de l’assemblée générale du groupe. Cette année le groupe avait préparé le terrain expliquant que Stellantis était un groupe mondial et qu’à ce titre il ne fallait pas comparer la rémunération de son dirigeant à celle des grands patrons français et au vu de ses performances boursières, les actionnaires l’ont approuvée à 80 %. Illustration supplémentaire de la difficulté à faire converger les vues de ses trois parties prenantes aux intérêts souvent divergents : les dirigeants, les actionnaires et les salariés.  

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