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Interdiction à la location des passoires thermiques : pourquoi ça ne suffira pas à booster la rénovation énergétique des bâtiments

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Publié le 30 janvier 2023

Depuis le 1er janvier, les passoires  thermiques les plus énergivores ne peuvent plus être mises à la location. L’objectif est de booster la rénovation énergétique des bâtiments, un dossier qui patine depuis une quinzaine d’année, chaque acteur se renvoyant la balle. Cette nouvelle mesure est très décriée. Elle est pourtant loin d’être suffisante pour insuffler un véritable élan. 

Depuis le 1er janvier 2023, les logements les plus énergivores, dont la consommation d’énergie dépasse les 450 kWh/m2 (logements G), ne pourront plus être proposés à la location. Cela devrait concerner 90 000 logements. Progressivement, cette interdiction va s’étendre à l’ensemble des passoires thermiques, environ 5 millions de logements. De quoi dynamiser enfin la rénovation énergétique des bâtiments et atteindre nos objectifs ? En théorie oui, mais sur le terrain, comme à chaque changement majeur, la colère monte.

Seuils de consommation énergétique pour un logement @CC0

Seuils de consommation énergétique pour un logement, en kilowattheures par m2 et par an.

“Comment transformer une bonne idée en catastrophe industrielle ? Le calendrier est intenable”, lance à Novethic Christophe Demerson, le président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), inquiet des nombreux biens qui vont être retirés du marché locatif. Et d’énumérer “le manque de fiabilité” du Diagnostic de performance énergétique (DPE), pourtant récemment réformé, “les pénuries de matériaux, l’explosion de leurs prix ou encore l’indisponibilité des artisans”. Du côté des professionnels du bâtiment, on met aussi en avant la complexité des démarches pour obtenir les agréments et les aides.

Des exceptions pour les logements pas isolables

“Tout le monde à son niveau a raison, mais cela fait quinze ans que nous faisons du surplace en matière de rénovation énergétique et les justifications sont toujours les mêmes. Si nous avions respecté les objectifs du Grenelle de l’environnement de 2008, nous aurions pu totalement nous passer de gaz russe dès 2020”, rappelle auprès de Novethic Andreas Rüdinger, chercheur associé à l’IDDRI, spécialisé dans les politiques énergétiques et climatiques et auteur d’une étude sur le sujet, publiée en mai 2022. 

Des rapports qui se suivent et se ressemblent. Cour des comptes, Assemblée nationale, Comité d’évaluation du Plan France Relance… tous déplorent l’échec des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. Car celles-ci continuent de privilégier les mono-gestes aux rénovations globales, et changent les règles du jeu tous les ans, voire tous les six mois pour Ma Prime Rénov’, dernier dispositif à avoir vu le jour. Selon les dernières données, en 2022, 670 000 rénovations énergétiques ont été réalisées, 3,1 milliards d’euros d’aides attribués, mais seules 66 000 rénovations globales ont été comptabilisées.

“Aujourd’hui, nous devons bouger, l’échéancier mis en place sur les passoires thermiques est donc très important sinon on n’y arrivera jamais. Par contre, il faut reconnaître qu’on ne pourra pas tout isoler, notamment les petites surfaces dans les immeubles haussmanniens qui ne peuvent pas être isolées par l’extérieur. Pour ces cas-là, il faut créer des exceptions”, propose Thierry Marchand, diagnostiqueur DPE en Bretagne, interrogé par Novethic.

Créer un choc de la demande

Reste que l’interdiction progressive des passoires thermiques à la location n’est que symbolique puisque, pour les logements occupés, c’est au locataire d’engager la démarche pour obliger son propriétaire à faire des travaux. Or, dans un marché très tendu, en particulier dans les grandes villes, sur les petites surfaces, qui sont souvent les plus mal isolées, il y a peu de chances que le locataire se retourne contre son propriétaire. “C’est surtout un signal pour ceux qui voudraient investir et qui vont éviter de prendre des logements mal notés’, commente Andreas Ruddinger.

Pour le chercheur, si cette mesure est toutefois utile, il faut qu’elle soit accompagnée d’une feuille de route opérationnelle à court terme qui déclinerait les objectifs globaux en termes d’aides, de formations d’artisans, etc… année par année. “Et il faut surtout un choc de la demande afin de créer un marché qui n’existe pas comme on l’a fait pour le solaire. Il ne faut pas hésiter à débloquer des aides très importantes au début, y compris pour les ménages les plus riches, ceux qui ont les capacités de faire des travaux, pour envoyer un signal fort à la filière et accepter les effets d’aubaine”, explique-t-il.

Ce n’est pas la voie choisie par le gouvernement. En novembre dernier, il avait écarté deux amendements votés par les députés pour débloquer près de 12 milliards d’euros en faveur de la rénovation thermique des logements. “On ne peut pas multiplier par sept, du jour au lendemain, les travaux de rénovation thermique”, avait déclaré la Première ministre Elisabeth Borne. Le Budget 2023 a pourtant trouvé 45 milliards d’euros pour le bouclier tarifaire, qui s’applique sans distinction de revenus et de consommation à tous les Français, contre 2,5 milliards d’euros pour Ma Prime Rénov’, soit 18 fois moins.               

Concepcion Alvarez @conce1

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