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Isolement : « Ce qui nous relie aux autres au travail, c’est l’activité »

Qu’entend-on par isolement ?

40% des travailleurs déclarent « se sentir seuls » lors de notre consultation sur le télétravail entre février et avril 2021.

« Le sentiment d’isolement est subjectif. Si on prend l’exemple du télétravail : on est seul à la maison et, pour autant, on peut se sentir relié aux autres. On peut, à l’inverse, faire partie d’une équipe et se sentir isolé. Ce qui nous relie aux autres au travail, c’est l’activité de travail (…). Pendant la crise, à certains endroits, les ressources accumulées – préalablement au télétravail – en termes d’expérience partagée du travail (la coopération, le lien aux autres, la production collective…) ont pu soutenir le fait de ne pas se sentir seul au travail. » – Dominique Lhuilier, chercheuse en psychologie du travail au Cnam

« L’une des problématiques principales de l’isolement, c’est de ne pas pouvoir compter sur quelqu’un quand on ressent un problème dans son travail (…). Les cas extrêmes d’isolement ce sont des personnes qui savent qu’elles ont un problème mais qui ont renoncé à trouver du soutien social. » – Vincent Grosjean, chercheur en psychologie du travail à l’INRS 

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Quelle fabrique de l’isolement ?

« Ce que l’on voit de plus en plus chez les personnes qui nous consultent c’est une intensification des rythmes de travail. Avant il y avait une certaine collaboration, une entraide dans les équipes. Aujourd’hui, il y a un certain individualisme : « vu ce qu’il y a à faire, je n’ai pas la possibilité d’en prendre plus ». Il y a un éclatement du collectif de travail. » – Christine Simoni, directrice du Service de santé au travail de Haute-Corse

« La crise sanitaire est venue révéler et accentuer des facteurs déjà existants. Parmi les principaux facteurs qui contribuent à la fabrique de l’isolement, je voudrais d’abord parler de la montée du chômage. Dans les parcours professionnels s’inscrivent de plus en plus des périodes de chômage et des périodes d’arrêt de longue durée. Ce sont autant de situations d’isolement. Chaque fois, il faut refaire le travail de faire sa place. Le deuxième grand facteur, c’est l’intensification du travail (…). Ceux qui ont été « au front » pendant le Covid ont pu se sentir isolés du fait de cette intensification : moins de temps pour les espaces d’échanges informels et pour créer des conditions d’échanges d’un dialogue avec les autres. Encore une grande évolution : l’individualisation des temps de travail, des rémunérations, les entretiens individuels d’évaluation, etc. qui peuvent favoriser la compétition. J’ajoute un dernier grand facteur : on remarque que le handicap et la maladie sont des facteurs potentiels d’isolement (…).» – Dominique Lhuilier

« Une personne nouvellement embauchée dans le secteur bancaire avait un problème de surpoids – cause de comorbidité. Voulant la « protéger », l’employeur lui a demandé de ne pas reprendre le travail sur site. Mais elle n’avait pas pu créer au préalable de liens avec ses collègues, se faire un carnet d’adresses. Son chiffre d’affaires s’en est ressenti, cela a joué sur son estime. Elle s’est retrouvée seule et discriminée. Elle est venue voir son médecin du travail pour qu’il fasse une démarche auprès de l’entreprise en vue d’améliorer sa situation. » – Christine Simoni

« Le partage social doit pouvoir se faire »

« Chaque entreprise ou chaque secteur développe un certain nombre de valeurs, de modes de fonctionnement qui lui sont propres. Pour éviter l’isolement, le partage social doit pouvoir se faire entre collègues. Pour cela, c’est important qu’il existe des espaces sociaux d’expression dans lequel les travailleurs peuvent s’exprimer sur ce qui pose problème pour eux. Bien que le cadre législatif soit là (NDLR, les lois Auroux de 1982), les lieux de partage spontanés et authentiques des salariés entre eux, sans présence de la hiérarchie, sont assez difficilement acceptés culturellement en France. » – Vincent Grosjean

« En termes de prévention de l’isolement, il y a de multiples registres pour agir : travailler sur la question de la transmission et sur le maintien du lien en cas d’arrêt, par exemple. Il s’agit aussi d’agir sur l’organisation réelle du travail en questionnant notamment ce qui contribue à l’intensification du travail qui crée à la fois des problèmes de santé, de qualité du travail et de la « déliaison ». » – Dominique Lhuilier

Extraits du wébinaire « Comment éviter l’isolement au travail ? », animé par Thierry Rousseau, chargé de mission à l’Anact et rédacteur en chef de La Revue des conditions de travail, à l’occasion de la 18e Semaine pour la qualité de vie au travail.

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Aller plus loin…

  • « Usure professionnelle : dépasser les approches individuelles, reconnaître l’importance des parcours », Dominique Lhuilier, La Revue des conditions de travail, n°11, déc. 2020
  • « Dynamique cognitive et risques psychosociaux : isolement et sentiment d’isolement au travail », Jacques Marc, Vincent Grosjean, MC Marsella, Le Travail Humain (sur Cairn.info)
  • « Conditions d’appropriation de la gouvernance partagée dans une structure bureaucratique », Vincent Grosjean, à paraître dans La Revue des conditions de travail, n°12

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