Parler transition écologique, c’est souvent évoquer la voiture électrique, symbole de cette transition et preuve qu’elle est en route. Pourtant, le développement de la voiture électrique s’accompagne de fortes incertitudes sur son impact global en émissions sur le cycle de vie complet et en utilisation de ressources. Alors, pourquoi occupe-t-elle tant le devant de la scène dans la transition écologique ?
Une première raison tient à la contradiction, de plus en plus visible, entre l’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique et la poursuite de la croissance des émissions de gaz à effet de serre (EGES). Devant cette inefficacité criante, les gouvernants et les industriels font appel à l’éco-technologie, pariant sur des progrès technologiques permettant de concilier croissance et baisse des EGES. Comme le secteur des transports a augmenté ses émissions de 32 % lors des 30 dernières années, la stratégie de la voiture électrique semble une réponse adaptée à cette baisse.
RÉAMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Mais il y a une autre raison qui explique cette stratégie, c’est qu’elle ne modifie pas les modes de déplacement, remplaçant juste la voiture thermique par la voiture électrique. Or une politique ambitieuse impliquerait de repenser complètement l’aménagement du territoire. Notamment en rapprochant les centres d’emplois des lieux d’habitation et en les implantant le long de transports en communs performants.
Ce serait tourner le dos à la logique qui a vu la construction des villes nouvelles, éloignant l’emploi des habitations au prix d’une impossibilité à construire un système de transports en commun performant, rendant obligatoire l’usage de la voiture individuelle, pour aller travailler, pour les loisirs ou le ravitaillement. Dans ce cadre, la voiture électrique devrait être légère, en location et réservée à des usages épisodiques ou spécifiques.
Cette politique de réaménagement du territoire viendrait à l’encontre d’un symbole aussi important que la voiture individuelle, vécue comme le prolongement du domicile et pour beaucoup marqueur de la liberté personnelle de déplacement en même temps que de distance sociale.
On retrouve la contradiction classique : le changement climatique aurait des conséquences négatives lointaines, mais l’éviter a des coûts immédiatement visibles. Il est alors urgent de « tout changer pour que rien ne change », une stratégie, au sens propre, réactionnaire.
Gilles Rotillon,
Économiste atterré
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