Publié le 19 décembre 2022
ENVIRONNEMENT
Ce week-end, un autre accord majeur a été finalisé au sein des instances européennes : celui qui concerne la réforme du marché carbone, véritable pilier de la politique climatique de l’Union européenne. Fin des “droits à polluer” gratuits des industriels, taxation des émissions liées au chauffage et aux voitures, fonds social pour la transition… À l’issue d’âpres pourparlers, les négociateurs du Parlement européen et des États membres de l’UE se sont entendus pour relever les ambitions et étendre le champ de son marché carbone.
Instauration d’une taxe carbone aux frontières
Si les négociateurs européens avaient adopté dès mardi 13 décembre le principe d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe – un dispositif totalement inédit – les détails de son application avaient été laissés pour l’ultime round de pourparlers vendredi 16 et samedi 17 décembre. Il s’agit de faire payer à certaines importations industrielles (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité, hydrogène) les émissions liées à leur production, pour éviter la délocalisation de nos industriels hors d’Europe et, dans le même temps, encourager le reste du monde à adopter les standards européens.
Une période-test commencera dès octobre 2023, durant laquelle les entreprises importatrices devront simplement rapporter leurs obligations. Mais pour que la mesure soit pleinement effective, l’Union européenne doit supprimer les quotas d’émission gratuits alloués aux industriels européens. Finalement, c’est la date de 2034 qui a été retenue pour leur disparition totale, contre celle de 2032 défendue par les eurodéputés. Pour qu’ils ne soient pas désavantagés, les industriels européens exportant vers des pays hors UE sans tarification carbone comparable bénéficieront en outre d’un mécanisme dédié d’ici 2025. “Cet accord permettra aux gros pollueurs de continuer à recevoir des milliards d’euros de quotas gratuits pendant une décennie”, regrette le Climate action network (CAN).
Extension du marché carbone au chauffage et aux voitures
C’était l’autre point le plus controversé des négociations, celui de l’extension du marché carbone européen au chauffage des bâtiments et aux carburants routiers (ET2) en 2027. Jusqu’ici, seuls les producteurs d’électricité et les industries énergivores (sidérurgie, ciment…) étaient concernés, soit environ 10 000 entreprises, représentant 40% des émissions du continent. Désormais, les particuliers eux-aussi sont visés. Face à la crainte d’un nouvel épisode des Gilets jaunes, en pleine crise énergétique et inflationniste, les eurodéputés plaidaient pour réserver d’abord cette mesure aux immeubles de bureaux et poids lourds.
Au final, les ménages paieront bien un prix du carbone sur le carburant et le chauffage à partir de 2027, mais ce prix sera plafonné à 45 euros/tonne au moins jusqu’en 2030. Si la flambée actuelle des prix énergétiques se poursuivait, l’entrée en application sera repoussée à 2028. “Les conditions strictes que nous avons posées rendent l’extension aux ménages politiquement acceptable”, a jugé Pascal Canfin, eurodéputé Renew et président de la Commission environnement au Parlement européen.
Le secteur maritime et l’aviation entrent aussi dans le marché carbone
Autre décision inédite, le marché carbone s’étendra également au secteur maritime, obligeant pour la première fois les exploitants de navires à payer pour leurs émissions de carbone. Les émissions du secteur aérien seront aussi soumises au marché carbone, mais seuls les vols intra-européens sont concernés. Or, si les long-courriers représentent environ 6% des vols dans l’espace économique européen, ils produisent environ la moitié des émissions de CO2 et de NOx (oxydes d’azote). À partir de 2028, les sites d’incinération de déchets pourraient aussi être tenus d’acheter des droits à polluer, sous réserve d’une étude favorable rendue par Bruxelles.
Des ambitions relevées
Selon l’accord trouvé, le rythme de réduction des quotas proposés sur le marché carbone va s’accélérer, avec d’ici 2030 une baisse de 62% par rapport à 2005 (contre un objectif précédent de 43%, mais 70% réclamé par les ONG). Ce qui signifie que d’ici là, les industriels concernés devront automatiquement diminuer d’autant leurs émissions. “Il existe jusqu’en 2026 une marge de manœuvre pour investir dans des énergies décarbonées et gagner en efficacité énergétique. Après, c’est l’heure de vérité : il faudra réduire ses émissions ou payer très cher”, résume l’eurodéputé Peter Liese (PPE, droite).
Création d’un fonds social pour accompagner les ménages vulnérables
Les recettes du nouveau marché carbone (ET2) devront intégralement financer la transition. Elles viendront notamment alimenter un “Fonds social pour le climat”, doté de 86,7 milliards d’euros, créé pour aider les ménages et entreprises vulnérables. “Ce Fonds ne sera pas un chèque en blanc pour les États. Il aidera les ménages vulnérables dans leur transition énergétique, par exemple avec des subventions pour l’isolation ou pour des transports plus écologiques”, a assuré l’eurodéputée Esther de Lange (PPE, droite). De plus, le “Fonds d’innovation” qui accompagne financièrement les entreprises gonflera à environ 50 milliards d’euros.
Concepcion Alvarez @conce1 avec AFP
Pour en savoir plus ou lire la suite : Source | Lien vers l'article