Publié le 08 décembre 2022
Les chantiers de la centrale solaire à hydrogène CEOG en Guyane ont commencé. Ce projet était très attendu pour répondre aux problématiques de sécurité énergétique et aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre du département français d’Outre-mer. Cependant, les peuples autochtones contestent le lieu sélectionné affirmant que leurs droits n’ont pas été respectés. Ils apparaissent comme une variable d’ajustement face aux enjeux relatifs au climat, à la protection de la biodiversité, et au développement économique.
Une délégation Kali’na, un peuple autochtone amérindien, s’est rendue à Paris du 20 novembre au 7 décembre pour contester l’installation de la centrale solaire à hydrogène CEOG près de leur village guyanais, Prospérité. 16 hectares de forêt ont déjà été rasés sur les 140 hectares d’emprise en sol du projet.
Le lieu sélectionné pour CEOG se situe à seulement deux kilomètres de Prospérité, au cœur d’une forêt qui est “une zone de vie” et un lieu de “transmission culturelle” qu'”il est important de préserver”, affirme Clarisse da Silva, membre de l’association des Jeunesses Autochtones. La mise en garde à vue du chef du village Roland Sjabere le 24 octobre suite à une manifestation sur le lieu du projet a mis le feu aux poudres, vécue comme une humiliation.
Atteindre 100% de renouvelable à l’horizon 2030
Le projet CEOG illustre à quel point il est difficile de concilier les intérêts de la transition énergétique avec ceux des peuples autochtones. Le projet doit ainsi répondre aux problématiques de sécurisation de l’accès à l’électricité en Guyane, qui connaît “des coupures quotidiennes”, “particulièrement dans certains quartiers de Saint-Laurent de Maroni”, la ville voisine, témoigne Clarisse Da Silva. “Nous avons besoin d’énergie, nous ne sommes pas opposés au projet mais à son emplacement”, précise-t-elle.
CEOG s’inscrit aussi dans l’objectif d’atteindre 100% d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 que la Guyane s’est fixée. Cette centrale solaire, réalisé par l’entreprise HDF Energy, s’appuie sur des batteries à hydrogène afin de fournir au réseau électrique une énergie stable, sans intermittences. Une première mondiale pour un projet de cette envergure, selon HDF Energy. Cette centrale solaire doit remplacer des centrales thermiques fonctionnant au diesel et compléter la centrale de Larivot, également critiquée.
Mais les habitants regrettent d’être une variable d’ajustement. Ils demandaient une reconnaissance de leur usage de la forêt, appartenant jusqu’alors à l’Etat. En 2019, celui-ci a accordé aux habitants plus de 3 000 hectares sous forme de “zones de droits d’usage collectif”, un statut pensé pour répondre aux besoins des peuples amérindiens. Cependant, la zone est coupée par les 140 hectares dédiés au projet CEOG. Les habitants de Prospérité regrettent une démarche descendante, avec un lieu déjà sélectionné avant les discussions, qui de fait “exclue les alternatives”, affirme Clarisse Da Silva.
De nombreuses contraintes sur le foncier
Face à cela, HDF Energy affirme avoir fait son possible pour réaliser des aménagements, comme le fait de laisser un chemin central. Mais il faut dire que les contraintes sur le foncier sont nombreuses. Notamment, “être proche des lieux de raccordement”, ne pas empiéter sur les besoins de développement urbain de la commune de Saint-Laurent de Maroni, et “avoir le moins d’impact environnemental possible”, explique Damien Havard, le président d’HDF Energy.
La Guyane est en effet composée à 96% de forêts avec plus de 1 300 essences d’arbres et de nombreuses espèces protégées. Pour CEOG, une zone humide a été évitée de manière à toucher moins d’espèces protégées, mais la conséquence a été de se rapprocher du village de Prospérité. Une bataille juridique est à présent en cours dans laquelle la biodiversité devient un outil pour protéger les besoins des peuples autochtones.
L’idéal ? “Investir des lieux déjà déboisés” argumente Clarisse Da Silva. “Impossible pour l’envergure de ce projet” répond HDF Energy. Plus d’une centaine de chefs amérindiens sont attendus le 17 décembre à Prospérité en soutien de la contestation. Une manifestation qui peut faire craindre des difficultés à l’avenir pour d’autres investissements de ce type, comme cela avait été le cas pour Rio Tinto, en Australie, après la destruction d’un site aborigène.
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