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Violence et harcèlement au travail : vers la ratification de la convention de l’OIT

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La loi qui autorise la ratification par la France de la convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail « relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail » a été publiée au Journal Officiel le 9 novembre.

Remarque : elle avait été adoptée par le Sénat, le 28 octobre 2021 et adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 23 juillet.

Un engagement au niveau national

La Convention n°190 date de 2019. Elle définit les termes violence et harcèlement et elle donne des principes fondamentaux, comme l’interdiction en droit de la violence et du harcèlement avec des contrôles et des sanctions appropriées. Au niveau du travail, les pays qui ratifient cette convention doivent : « respecter, promouvoir et réaliser les principes et droits fondamentaux au travail, à savoir la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective, l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession, et aussi promouvoir le travail décent. »

Concrètement, les pays doivent « adopter une législation prescrivant aux employeurs de prendre des mesures appropriées correspondant à leur degré de contrôle pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre, et en particulier, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable:

  1. a) d’adopter et de mettre en œuvre, en consultation avec les travailleurs et leurs représentants, une politique du lieu de travail relative à la violence et au harcèlement ;
  2. b) de tenir compte de la violence et du harcèlement, et des risques psychosociaux qui y sont associés, dans la gestion de la sécurité et de la santé au travail ;
  3. c) d’identifier les dangers et d’évaluer les risques de violence et de harcèlement, en y associant les travailleurs et leurs représentants, et de prendre des mesures destinées à prévenir et à maîtriser ces dangers et ces risques ;
  4. d) de fournir aux travailleurs et autres personnes concernées, sous des formes accessibles selon le cas, des informations et une formation sur les dangers et les risques de violence et de harcèlement identifiés et sur les mesures de prévention et de protection correspondantes, y compris sur les droits et responsabilités des travailleurs ».

Remarque : lors des débats, le 28 octobre 2021, le secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, Laurent Pietraszewski, a invité les sénateurs à accueillir un texte « pionnier et protecteur des droits des femmes au travail, qui établit la première norme contraignante, de portée universelle, pour éradiquer la violence et le harcèlement dans le monde du travail ». Il a également rappelé l’importance des partenaires sociaux pour aller plus loin que le texte, qui ont « un rôle à jouer pour négocier des dispositifs ambitieux qui n’ont pas tous vocation à relever de la loi » – la question de la prise en compte des violences conjugales dans l’organisation du travail au sein de l’entreprise, par exemple.

Une définition « universelle » du harcèlement

La Convention n°190 de l’OIT est la première norme internationale qui vise à mettre un terme à la violence et au harcèlement dans le monde du travail, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Elle est accompagnée par la Recommandation n° 206 sur la violence et le harcèlement, texte non juridiquement contraignant qui précise les modalités de sa mise en œuvre.

Le principal apport de la Convention est de donner une définition « universelle » aux notions de « violence et harcèlement » qui s’exercent dans le monde du travail.

Selon son article 1, il s’agit « d’un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre ».

Remarque : cette définition, volontairement large permet, selon le rapport du Sénat, de couvrir l’ensemble des cas de violences et de harcèlement et de répondre aux définitions que chaque État membre de l’OIT peut en donner.

 

Une protection au champs d’application étendu

L’article 2 de la convention protège contre le harcèlement « les travailleurs et autres personnes dans le monde du travail », y compris les salariés, les personnes qui travaillent quel que soit leur statut contractuel, les personnes en formation (dont les stagiaires et les apprentis), les bénévoles et les demandeurs d’emploi.

Remarque : le code du travail limite sa protection aux salariés et aux personnes en formation ou en stage (C. trav., art. L. 1152-1 et L. 1152-2).

La convention s’applique, de plus, « à tous les secteurs, public ou privé, dans l’économie formelle ou informelle, en zone urbaine ou rurale ».

À ce champ personnel et sectoriel étendu s’ajoute un périmètre géographique de protection lui aussi très large. La notion de « monde du travail » retenue par la convention dépasse le lieu de travail physique. L’article 3 de la convention vise en effet la violence qui s’exerce « à l’occasion, en lien avec ou du fait du travail », ce qui permet d’inclure le lieu de travail, les lieux de repos, les déplacements, les trajets entre le domicile et le travail, les formations, les communications liées au travail et le logement fourni par l’employeur.

La Convention reconnaît enfin « le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement » et rappelle aux membres de l’OIT « l’importante responsabilité de promouvoir un environnement général de tolérance zéro à l’égard de la violence et du harcèlement ». Le texte impose aux Etats d’adopter une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre afin de prévenir et d’éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Les Etats doivent également prendre des mesures visant à garantir des moyens de recours et de réparation. Les employeurs ont également un rôle important à jouer en matière de prévention de la violence et du harcèlement.

Pas de modification du droit interne

Il convient de souligner que la France devra adresser à l’OIT, deux ans après la ratification, un rapport sur l’application de la convention sur le territoire qui sera examiné par un comité d’experts indépendants.

La Convention entrera en vigueur 12 mois après l’enregistrement de sa ratification.

D’après l’étude d’impact de l’Assemblée nationale, la législation française, issue de la combinaison des différentes sources de droit, droit civil, droit pénal ou droit du travail, est déjà conforme aux dispositions de la Convention n°190 de l’OIT. Le droit du travail interne ne nécessite donc aucune modification afin de se mettre en accord avec la convention.

Les organisations syndicales et les ONG contestent cette interprétation juridique et appellent à faire évoluer le droit français sur plusieurs points.

Un manque d’ambition?

Le manque d’ambition de la ratification est un point soulevé par les organisations syndicales et ONG. Elles « regrettent que les mesures les plus ambitieuses aient été intégrées à la recommandation n° 206, qui n’a aucune portée normative et qui, par conséquent, n’est pas soumise à l’examen du Parlement », a rappelé la rapporteure de la commission des affaires étrangères Nicole Duranton (RDPI, Eure), absente lors des débats mais représentée par François Patriat (RDPI, Côte-d’Or).

Pour Nicole Duranton, l’examen du texte offrait l’occasion d’avancer sur le sujet en droit national : « nous aurions pu saisir cette occasion pour être un peu mieux-disant ». Son rapport détaille sept propositions pour aller plus loin :

Renforcer les prérogatives des référents harcèlement et les moyens qui leur sont alloués

1°) Dresser le bilan de la mise en place des référents harcèlement et apporter les ajustements nécessaires (effectifs, missions, prérogatives, formation, moyens, etc.) pour garantir leur efficacité.

Améliorer la formation et la vigilance en ce domaine

2°) Imposer aux cadres intermédiaires et supérieurs, ainsi qu’aux personnels des ressources humaines, une obligation de formation sur la question de la violence et du harcèlement au travail.

3°) Étendre le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre aux cas de violence et de harcèlement au travail.

Prendre en compte les violences domestiques dans la sphère professionnelle

4°) Inclure un volet consacré à la violence et au harcèlement dans le travail d’élaboration du prochain « plan santé au travail » (PST 4).

5°) Faire de la violence et du harcèlement au travail un thème obligatoire des négociations annuelles sur la qualité de vie au travail.

6°) Créer de nouveaux droits pour les victimes, en s’inspirant des meilleures pratiques à l’étranger, pour leur permettre de se mettre en sécurité et de se reconstruire.

Garantir l’autonomie économique des victimes de violence

7°) Protéger les victimes de violences domestiques contre le licenciement.

Article d’Ouriel Atlan et Clémence Andrieu

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